Promesses de l’aube

Je n’aime rien tant que ces moments volés. Au monde, au fracas, à la foule.
Ces moments où la nuit se dispute le jour, le jour se dispute la nuit. Ces moments où le temps et le monde sont comme suspendus.
Ces rues vides, le monde en pause.

A la lueur d’une ampoule, d’une lune, ou d’un soleil naissant, je vole ce temps au monde des hommes. Je vole le monde aux hommes.

J’aime courir ce monde hors du monde, ce temps hors du temps.
On en aurait ôté de ce qui le rend lourd, ce qui le rend sourd, ce qui m’englouti sous les voix, sous les bruits, sous la fureur dont ses artères sont pleines.
« La perfection, c’est quand il ne reste plus rien à ôter », disait l’autre.

Il y a le monde du jour, plein de ces colères, de ces tristesses, les miennes et les leurs, ce monde emporté dans sa propre marche, noyé par son propre sens qui n’en a pas, le monde de ces gens qui m’échappent, ceux qui semblent le comprendre. Et puis ce monde là, le même, mais l’autre.

A la lueur de l’aube ou du couchant, enfin lisible, paisible, il semble se découvrir, s’offrir, à celui qui en a trouvé le chemin, à celui qui l’a mérité.

Je n’aime rien tant que ces moments volés au monde, au fracas, à la foule, quand le temps et la matière semblent offrir une harmonie, une note claire. Comme la note qui s’élève du gong et se prolonge dans la profondeur de tes tripes.

Je suis devant un champ, un arbre, un océan. Dans une rue même. Comme si enfin j’appartenais à quelque part. Au delà des mots de l’homme qui le piétine, qui l’use de ses pas, qui le traverse dans sa course, dans sa fuite, le piétine. C’est comme un son juste qui serait enfin audible, comme une dissonance qui s’interrompt. C’est juste, sans mots, sans bruit. Des yeux aux tripes.

Je n’aime rien tant que ces moments volés au monde qui le rendent vivant et juste. Je n’aime rien tant que ces instants où le temps m’attend.

3 réflexions sur « Promesses de l’aube »

  1. Merci pour ces quelques mots posés là. Apaisant… Le fracas des autres me heurte tant. Un jour j’apprendrais à m’isoler, à voler des moments au monde, à voler…

  2. C’est amusant ce que tu dis. Voler, oui. C’est une jolie façon de s’échapper du monde, de s’éloigner de son fracas pour en saisir la beauté. De se sentir libre.
    A suivre ; )

  3. Quelle belle surprise d’ouvrir ce lien sans conviction et d’y découvrir qu’à nouveau tu y as déposé tes mots. Les moments volés sont souvent les meilleurs. Se sentir bien, à sa place, pour une fois, pour un instant, c’est rare…
    @ très vite.

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