Tranchées de vies – Ep. 3 : « Que l’on en finisse vite »

Ce billet est le 3eme épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

Soissons, Mercredi 9 septembre 1914

Ma chère Georgette

J’ai enfin trouvé du papier et le temps de te mettre une lettre un peu longue. Depuis une quinzaine je te prie de croire que nous avons avalé des kilomètres quelques fois pendant 17 à 18h – ça tournait au cauchemar – mais il paraît que ces manœuvres portent leurs fruits car nous sommes en train de flanquer une fameuse pile aux ennemis. Tant mieux, que l’on en finisse vite. Nous marchons en réserve, et pour le moment tout en suivant le mouvement en avant nous nous reposons.
Hier j’ai assisté à un fameux duel d’artillerie qui s’est terminé à notre avantage – après en avançant on a trouvé beaucoup de cadavres d’allemands dans les bois. Ca sentait ! par cette chaleur. On voit partout des chevaux morts, des caissons, des voitures. Quel spectacle !
Enfin c’est la guerre ! J’ai reçu ta lettre du 16 août, m’a fait beaucoup plaisir et m’a tranquillisé. Pour le terme, je ne crois pas qu’il faille le payer, informe toi, tous les paiements sont suspendus. Si tu vas à Tonnerre, embrasse les bien pour moi. As-tu reçu mes cartes parfois ? Pour ma santé, ça va, espérons que ça continuera !
En attendant une autre bonne lettre de toi, embrasse tout le monde pour moi. Bien des choses à Fernand quand vous lui écrivez. Et moi les meilleurs bécots de ton petit mari qui t’aime. Albert L.


Cormicy, 16 septembre 1914

Ma chère Georgette,

Du fond d’une tranchée de la profondeur d’un homme, je t’écris ces quelques mots pour te prouver que jusqu’à présent tout va bien ! Eh pourtant ce n’est pas que les occasions de recevoir des pains a manqué ! Depuis 4 jours et 4 nuits nous sommes sur les mêmes positions arrosées d’obus et de balles. J’ai eu hier un camarade qui a été blessé à côté de moi. Et bien c’est bizarre on finit par s’habituer et on écoute avec curiosité passer les obus en gonflant simplement le dos lorsqu’ils passent trop près. Quand aux blessés et aux morts (peu nombreux) on les voit, on les aide et on passe. Ce sera peut-être son tour demain. Le plus embêtant est de coucher dehors par une pluie battante comme cette nuit. En revenant que de douleurs à soigner ? J’ai eu pendant 3 jours des coliques dues sans doute à l’eau empoisonnée, mais grâce à des gamelles de riz c’est bien passé. En ce moment c’est la grande bataille qui se livre, espérons qu’elle sera à notre avantage, car les allemands font un vrai ravage partout où ils passent, et je ne voudrais pas qu’ils viennent à Troyes – si celà arrive va à Paris !!
En ce moment ça bombarde dur ! Espérons en l’avenir, ta pensée me protègera sans doute.
En attendant la fin de ce cauchemar, embrasse bien tout le monde pour moi, bien des choses à Fernand et Gaston, et reçoit toi les meilleurs bécots de ton petit mari qui t’aime toujours et pense constamment à toi.

Vite une lettre.

Albert L.

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