Tranchées de vies – Ep. 5 : « Schrapnel »

Ce billet est le 5eme épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

Tonnerre, le 1er octobre 1914

Chère Georgette, Je vous communique aussitôt reçue ce matin, la carte que nous venons de recevoir d’Albert :

« J’ai écopé une balle de shrapnel qui m’a fait une blessure en séton dans le dos. Rien de grave au point de vue vital. Ne vous tracassez pas. Prévenez Georgette. Ne m’écris plus avant que je t’ai donné mon adresse. Bons baisers à tous. Votre fils qui vous aime. Albert. »

Donc ne vous faites pas de bile, il est à l’abri pour quelques temps et sans danger car une blessure en séton n’est jamais bien grave.
Êtes-vous arrivée sans trop d’ennui, nous n’avons encore rien reçu de vous ?
Ici, rien de nouveau chez nous, mais en face, à l’hôpital, il y a eu 2 décès de soldats en 2 jours, ce matin Odette va au deuil du second.
Au revoir, ma chère enfant, embrassez bien les vôtres pour nous.

Votre futur papa qui vous aime bien.
Eugène L.


Tonnerre, le 2 octobre 1914

Ma chère Georgette,

Si vous voulez écrire à Albert cela lui fera grand plaisir, adressez votre lettre à

M. Albert L., soldat réserviste
Hôpital temporaire n°35
à Saint-Léonard (Haute-Vienne)

Nous avons reçu ce matin une lettre de lui nous disant la nature de sa blessure, qui n’est pas grave mais assez douloureuse. C’est à l’assaut d’une tranchée allemande, qu’une balle d’obus l’a touché au bas de l’omoplate gauche et est ressortie près de la colonne vertébrale, en laissant intacts poumons, coeur et estomac, ce qui pour lui une chance extraordinaire d’après les dires des majors qui l’ont pansé, mais cette blessure quoique peu grave intéresse les muscles ce qui le fatigue beaucoup et le force à vous demander de l’excuser s’il ne vous écrit pas et à moi de vous expliquer la situation en vous priant de lui écrire le plus tôt possible. Je sais que vous êtes une brave enfant, et qu’il peut compter sur votre affection, c’est le moment de la lui prouver, vous n’y manquerez pas j’en suis sûr.
Nous vous embrassons tous bien affectueusement.
Votre futur papa qui vous aime bien.

Eugène L.


Tonnerre, le 22 octobre 1914

Ma chère Georgette,

Vous avez dû recevoir des nouvelles d’Albert, nouvelles détaillées comme il nous en a adressé à nous-même et vous avez pu constater qu’il était en bonne voie de guérison malgré que sa situation ait été bien précaire. Vous voyez donc bien qu’il ne faut pas se forger de folles idées. S’il a une convalescence on s’arrangera pour que vous passiez tous deux quelques jours près de nous.
Chez nous, il y a du nouveau et tout s’est bien passé. Un gros garçon nous est venu ce jour à 2h et demie. Il est fort et bien bâti, il pèse dans les 9 à 10 livres. Vous voilà donc un beau-frère de plus à aimer, mais je sais votre coeur assez large et je suis sûr que votre affection est acquise.
Tout le monde vous embrasse bien affectueusement ainsi que votre maman.
Un bonjour amical à toute votre famille.

Eugène L.

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