Vide

Vient un moment où tu as donné ce que tu pouvais. Vient un moment où il est temps.
La lassitude a gagné. Il faut lâcher, ouvrir ces doigts agrippés sur une idée, sur un espoir, sur une colère. Il faut larguer les amarres. Laisser le courant faire son travail.
La vie coule, porte, supporte.
Il est venu ce moment où il faut gagner une autre rive. Alors j’ai lâché. Comme une décoche, les doigts lâchent la corde, la flèche file. Le courant me porte. Le vent m’emporte.
Je me sens envahi par un grand vide. Je devrais être joyeux. Ou angoissé. Excité ou apeuré. Ou les deux. Mais c’est un grand vide qui s’est abattu sur moi et m’a englouti.
Mon cerveau a mouliné pendant un an, scénarisé à l’extrême, déroulé les mille situations possibles, imaginé les milliards de hasards, prévu les trillions de réactions.
Des arbres sans fins y ont poussé, donnant tant de joies, de peines, de douleurs et d’ivresses.
L’automne de cette histoire est arrivé. Les arbres fous ont perdu leurs feuilles, qui ont emporté mon énergie.
Alors j’ai jeté l’éponge. J’ai sifflé la fin du jeu. Je m’en vais construire une autre histoire. Je m’en vais, je te dis. Tu ne peux plus jouer avec moi car je m’en vais. Alea jacta est. Et surtout, ne te retourne pas.
Je devrais être heureux, je devrais chanter la liberté retrouvée, ou pleurer l’inconnu. Je suis juste las.  C’est un souffle qui m’a absorbé. Qui a pris mon énergie.
Je suis vide et silencieux. Je vais respirer, puis me regonfler. Je vais respirer puis repartir.
Après le choc, je n’ai pas voulu croire, j’ai été en colère, et puis j’ai marchandé. La tristesse a cédé à la résignation, puis j’ai accepté.
Me voici à l’aube de la septième station. Dans ce grand vide, cette lassitude. Je suis à la fin d’une histoire, et m’approche du début d’une autre, pas encore définie.
Je suis en train d’écrire la suite, quelque part à l’intérieur. Je me laisse porter. Je lance des leurres pour détourner mon cerveau en ébullition.
J’écris la suite, sans bien savoir ce que j’écris. Je me laisse porter par mon intuition. Dans le brouillard les voix se font plus claires. Dans le brouillard les vents me portent encore. Dans le brouillard, je vois en fermant les yeux.
L’année prochaine je serai un autre, ou le même, mais ailleurs, avec d’autres.

You cannot change the cards you’re dealt, just how you play the hand

Interlude – Serpentine

I’m caught in the flow of things
My memory’s a broken machine
This is how my day begins
This is just one day unseen

Let’s do it serpentine any time
Let’s do it right here
Let’s do it serpentine, I don’t mind
Let’s do it right here

Is it bad that you’re good for me?
Did I love you just randomly?
I’m caught in the flow of sound
And you’re just some melody

Let’s do it serpentine any time
Let’s do it right here
Let’s do it serpentine, I don’t mind
Let’s do it right here

There’s a cute little litany
Put it on my shoulder
Eight o’clock and we agree
It makes me look much older

One, two, in fire
One, two, in fire

Got my clockworks company
I got my dark green trench coat on
I’m sure it will always be
Someone staying and someone gone

Let’s do it serpentine any time
Let’s do it right here
Let’s do it serpentine, I don’t mind
Let’s do it right here

« Serpentine » – Deus

Réalignement

Définitivement, le cosmos n’en pouvait plus de me porter. Il m’a envoyé un message. Puis un autre. Il m’a dit que je devais faire quelque chose.
A force de me donner des petits coups sur le crâne, l’univers me l’a mis à l’envers. À ne plus bien savoir où était le bas, où le haut.

J’ai cru savoir gérer, tenir les commandes quand je me faisais promener.

De cabotage en barbotage j’ai perdu de vue la côte. Presque perdu la vue. J’ai cru boire la tasse, dérivé, crié. J’ai cru apercevoir un rivage qui n’était qu’un mirage.

J’ai détesté cet univers. J’ai maudit ce cinéma, baissé les stores, ignoré le monde.

L’univers m’a envoyé des messages. Je lui ai répondu. J’ai relevé le défi. Pas par bravade. Parce que je n’avais plus le choix. Nage ou crève.

Tout ce que j’ai fait de plus conscient pour rejoindre un rivage m’en a éloigné.
Ce que j’ai fait sans réfléchir m’en a rapproché.

J’apprends à agir sans réfléchir. J’apprends à sentir. Sentir que ce que je fais est juste, même si je ne sais pas pourquoi. Ne pas trop insister quand je sens que ça n’a pas de sens. Quand c’est juste un effort désespéré pour ne pas couler.
Je redeviens animal. J’écoute mon instinct.

Il faut avoir les deux pieds au sol, respirer. On ne pense pas. On est. On agit. On sent que c’est juste, ou pas. Tendre vers l’objectif, même si on ne le connaît pas encore.

Petit à petit j’essaie de réaligner mes planètes, ne pas trop penser, ne pas chercher à atteindre un but précis.

Il faut beaucoup de temps pour apprendre à percevoir les sensations, percevoir du mouvement dans l’immobilisme. Rien ne se passe, ou si peu. Rien n’avance, ou si peu. Et puis un jour, une pièce bouge, puis une autre. Un jour on s’aperçoit que quelque chose a bougé.

Petit à petit j’essaie de réaligner mes planètes, remettre de l’ordre, du sens, reprendre la main.

Demain, peut-être, j’accosterai, prendrai pied sur un nouveau rivage.