Des flots

J’ai laissé les miens.
J’ai sué. J’ai marché. J’ai peiné.
Je suis allé au bord du monde. Là où il y a plus de terre. Où les hommes sont des pierres. Où les routes sont d’eau.

Sur la rive du monde, en paix, j’ai plongé mes yeux dans un océan de vide.
J’ai senti la vague. Profonde, elle semblait attendre son heure.

Face aux pierres, ces yeux de la terre, oreilles de la mer, la marée s’est frayé un chemin. J’ai senti la vague.

Mes yeux se cramponnent à l’horizon. Une déferlante submerge toutes les digues, inonde la vallée des larmes. Elle emporte ma joie et mes certitudes dans un tumulte implacable.

Pour noyer quel chagrin ou quelle colère ces larmes sont elles venues ?

L’homme de quart est à la mer. Englouti.

De quelle colère, de quelle tristesse, ces larmes sont elles le nom ?
Je surnage. Je ne peux combattre cet ennemi invisible qui frappe sans sommation.

Je suis venu au bout du monde et j’ai déposé mon armure fendue.
Je me suis exposé à un ennemi invisible.
Ici il n’y a plus de pression, de théâtre des ombres. Ici c’est moi face à moi.
J’ai arrêté de courir, de répondre, de courir, de marcher, de courir, de paraître.
Je me suis regardé dans le vide. J’ai ouvert le couvercle d’une cocotte sous pression.
Bam.

Cette colère et cette tristesse n’ont pas de visages. Pas de mots.
Elles sont là. Frappent sans se dévoiler.
Comment combattre un ennemi invisible ? Un ninja de l’intérieur.
J’ai relâché la pression. Baissé la garde. Les ninjas ont ouvert le pont levis.

Quelqu’un a écrit

Quand on se perd en chemin

Comment venir à bout

Des ces efforts inhumains

Qui nous mènent à nous

Je suis là. Je suis en colère. Ma tristesse est grande comme cet océan. Je le rempli de larmes. Mais je ne sais pas pourquoi.

Je respire. Ca va aller. Je range tristesse et colère dans des petites boîtes.
Je respire. Ca va aller. Demain. Ce soir. Ca va aller.