Tranchées de vies – Ep. 1 : « Paris – Brest – Châlons-sur Marne : Jusqu’ici tout va bien »

Ce billet est le 1er épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

Châlons-sur-Marne, 24 juin 1914

Cher Parents

Je vous écrie deux mots pour vous donné de mes nouvelles qui sont très bonne mes manoeuvre ce sont très bien passé nous avons été mouillé un peu hier ; mais c’est la pratique qui nous tien je vous envoie la photo du cantonnement qui est bien réussi.
Je fini en vous embrassant tous bien fort

Alfred.


Quimper, le 24 juillet 1914

Ma chère petite Gette

Je suis arrivé ici ce matin à 8 1/2, très fatigué car je n’ai pas pu dormir de la nuit. Est-ce le wagon ? Est-ce la ligne ? Jamais de ma vie je n’ai été cahoté de la sorte. Mais ce n’est qu’une fatigue de manque de sommeil qui passera après 2 bonnes nuits. Aussi tu ne m’en voudras pas si je ne décris pas mes impressions avec des détails, ce sera pour la prochaine fois. Je te dirai simplement que l’impression de début tant à la maison qu’au pays est excellente, espérons que le 2e [?] ne fera pas mentir le 1er.
J’ai comme je m’y attendais trouvé un peu d’ouvrage mais ce n’est pas terrible.
Je ne t’en mets pas plus long car je tombe de sommeil.
Voici mon adresse.
M. Albert L, chez Monsieur Dabot, Café de l’Univers rue du Pont Firmin.
En attendant une bonne lettre de toi, reçue malgré la distance qui nous sépare, les meilleurs baisers de celui qui t’aime infiniment. Bons baisers aux 2 amoureux du même palier.
Ton petit mari qui t’aime.

Albert.


Quimper, le 28 juillet 1914

Ma chère petit Gette

Je suis très très inquiet de ne pas recevoir de tes nouvelles car suivant nos conversations tu devrais m’écrire aussitôt que tu aurais mon adresse pour me dire si tu es à Paris ou à Troyes. J’espère néanmoins qu’il ne t’es rien arrivé de fâcheux, car je pense bien que tu m’en aurais fait part sachant que je n’ai d’autre souci et d’autre but dans la vie que ma petite Gette !!
Je crois également qu’il y a un malentendu, toi attendant une plus longue lettre de moi et moi attendant de tes nouvelles. Aussi pour le dissiper je vais te raconter mes premiers jours ici et adresser ma lettre rue des Boulets avec mission de faire suivre.
Comme je te l’ai dit j’ai fait un voyage très dur, d’abord pas moyen de s’étendre, rien pour m’appuyer, et surtout cahoté, mais cahoté au point de glisser de la banquette. Je me suis même couché par terre sur des journaux. Bref j’arrive bien heureux de quitter ce sale wagon, et je me rends directement à la maison. Le patron étant en voyage c’est la patronne qui m’a reçu, d’une façon très charmante, espérons que sa manière d’être continuera.
Elle m’annonce que j’ai 4 complets à couper et à essayer le jour même, mais comme j’avais besoin de me changer, elle m’indique l’Hôtel de France.
Là, vu la saison de tourisme on me demande 150F par mois sans le petit déjeuner. J’en faisais un nez. Je prends toujours une chambre pour la journée comptant me débarbouiller le soir. Je me nettoie et vais travailler. A ce point de vue la journée s’est bien passé, et je crois avoir fait une bonne impression de début mais ce que j’étais content de trouver mon lit !!! A 7h un des vendeurs qui est garçon m’emmène à sa pension où pour 60F par mois j’ai une véritable nourriture de famille. Je bois de l’eau de Vichy (ma chère !!). Après souper, toujours en sa compagnie, je cherche une chambre et pour 25F j’ai une magnifique piaule ! avec armoire à glace et vue sur une grande avenue !
Le samedi le patron rentre de voyage, conversation très amicale ! Ca me change de d’avec mon bourru !!
Il assiste à un essayage et je ne le revois plus ! Est-ce bon signe ? Il repart le dimanche matin en auto conduire sa famille au bord de la mer pour un mois, pendant ce temps il partira tous les samedi et rentrera le mardi, cela n’est pas pour nous déplaire.
Dimanche ce vendeur, qui s’appelle M. Bauché, me fait visiter la ville. Le lundi et le mardi, aujourd’hui par conséquent, se passent sans accrocs, espérons que cela continuera, comme travail, je ne suis pas trop foulé car le petit accumulement de boulot était du au retard de mon arrivée. J’ai le temps de m’organiser et de prendre contact avec mes ouvriers, qui sont dans une bonne moyenne. J’en ferai quelque chose ! et je vois bien que de ce côté tout marchera bien.
Parlons un peu de la ville maintenant. Eh bien elle n’est pas mal du tout, (bien que je l’ai vue par un temps d’averse) très pitoresque avec ses femmes en bonnets et ses hommes aux grands chapeaux avec rubans de velours. Oh ! le velours, ce qu’il en est fait une débauche. Dimanche j’ai été voir une fête de faubourg où la campagne était largement représentée. C’était très curieux !! Mais ce qu’il y a de plus beau il paraît ce sont les excursions, et ma foi le flot de touriste qui se déverse ici en ce moment me paraît justifier ces dires. Nous les ferons !!! Pas ??
J’ai envoyé à Ninie et Fernand 2 cartes, où une croix marque l’emplacement du magasin, quand à la tienne elle représente la vue nous avons dudit magasin, tu vois que je ne suis pas trop malheureux, et si j’avais avec moi ma petite chérie mon bonheur serait complet. Mais patience cela viendra !! Comme conditions de travail bien que coupant dans le magasin je suis très bien, belle clarté, belle vue. De ce côté tout est pour le mieux.
En résumé très bonne impression sous tous les rapports, et je me sens revivre car chez [???] je ne vivais pas !
Ici on parle beaucoup de la guerre possible, il doit en être de même partout, espérons que ça se calmera et que la guigne ne me fera pas partir du bon coin que je crois enfin avoir trouvé.
Je ne te dis pas cela pour t’abandonner !! Et ne t’en fais pas trop de bile cela passera.
Quand à ma santé elle est merveilleuse, je fais 9 à 10h de sommeil, et à ce régime là je vais engraisser !! On ne me reconnaitra plus d’autant qu’il va falloir que je porte le costume breton ! c’est la mode, quand à toi tu porteras le petit bonnet avec rubans, tu sera tout plein gentille là dessous !!!
Allons ma chérie je vais te quitter pour aller me plonger dans les bras de Morphée, car je ne vois plus rien d’intéressant à te dire si ce n’est de dire bien des choses à Ninie et Fernand, et de bien les embrasser pour moi.
Quand à toi, c’est des tas de bécots que j’ai déposé dans cette lettre !! Prends les !
Dis bien le bonjour de ma part chez Ferdinand et à M. Georges et encore des bécots.
Ton petit mari qui t’aime bien bien !!

Albert L.

Ne fais pas attention aux fôtes j’écris comme ça vient !

Des mots et des sons #1

En attendant de publier à nouveau, peut-être, de vrais billets, j’avais envie de partager mes lectures ou découvertes musicales des derniers mois.

De janvier à juillet j’avais lu un seul roman, et trois récits de voyages, mon temps de lecture étant vampirisé par des lectures d’articles, essais, ouvrages pratiques tournant autour du sujet de la formation que j’ai entamée cette année.
Je me suis un peu rattrapé en lisant 6 romans pendant les deux dernières semaines de mes vacances cet été.

Voici donc les romans, récits de voyages ou autres lectures non techniques de mes 12 derniers mois que je recommande (ça va de « gros coup de coeur » à « sympa »).

  • Les locataires de l’été – Charles Simmons
  • Pour la peau – Emmanuelle Richard
  • De beaux lendemains – Russel Banks
  • Le Quatrième Mur – Sorj Chalandon
  • The Whites – Richard Price
  • Bonheur fantôme – Anne Percin
  • Assez de bleu dans le ciel – Maggie O’Farrell
  • Le vide et le plein – Nicolas Bouvier
  • Chronique japonaise – Nicolas Bouvier
  • Sur les chemins noirs – Sylvain Tesson
  • Les intéressants – Meg Wolitzer
  • Numéro 11 – Jonathan Coe
  • Famille modèle – Eric Puchner
  • Peine perdue – Olivier Adam
  • Berezina – Sylvain Tesson
  • L’usage du monde – Nicolas Bouvier
  • La Jeune épouse – Alessandro Baricco
  • Les Lisières – Olivier Adam
  • Comment tout a commencé – Pete Fromm

Musicalement, c’est très éclectique, il y a des choses qui bougent, des titres plus doux, voire mélancoliques. C’est ma playlist « humeurs du moments », dans laquelle j’ajoute plus que je ne supprime, avec des titres qui y sont depuis deux ou trois ans (voire plus pour une poignée).
La voici dans un player Deezer (ça marche pour tout le monde, ça permet au moins d’écouter un extrait), la liste brute est disponible juste en-dessous :

Nom Artiste Compositeur Album
Part X Keith Jarrett Keith Jarrett The Carnegie Hall Concert CD 2
U-turn (lili) AaRON Je vais bien, ne t’en fais pas
Mad World Michael Andrews feat. Gary Jules Donnie Darko OST
Heartbeats José González Veneer
Breathe Me Sia Colour The Small One
Si j’étais moi Zazie La Zizanie
Les Etoiles Filantes Les Cowboys Fringants La Grand-Messe
Wake Up Dead Man U2 Pop
Man Of The Hour Pearl Jam Big Fish
London Calling The Clash Joe Strummer/Mick Jones London Calling
Leaving New York R.E.M. Buck/Mills/Stipe Around The Sun
Bohemian Like You Dandy Warhols Six feet under
The Mystery Of Love Marianne Faithfull Before The Poison
Before The Poison Marianne Faithfull Before The Poison
Stop Sam Brown
Every Breath You Take The Police Synchronicity
It’s Probably Me Eric Clapton & Sting
Sex On Fire Kings of Leon Only By The Night
Rebellion (Lies) Arcade Fire Arcade Fire Funeral
A Beautiful Rage II Laëtitia Sheriff Laëtitia Sheriff Pandemonium, Solace and Stars
Passe Dans Cette Vallée Mountain Men Mathieu Guillou Black Market Flowers
Rain Adna Adna Kadic Night
Ongeveer Eefje de Visser Eefje de Visser Het is
Hector Cold Specks Al Spx I Predict a Graceful Expulsion
Owl She Keeps Bees Owl – Single
I’m Not In Love 10cc Eric Stewart & Graham Gouldman The Original Soundtrack
A Season of Doubt Cold Specks Ladan Hussein Neuroplasticity
Pavilhão Chinês FUZETA Charles-Alexandre Sims, Pierre-Antoine Sims, Dorian-Frédéric Sims & Jérémy Pierre Herve Pavilhão Chinês – EP
Over & Over Moloko Statues
Passe Dans Cette Vallée Mountain Men Mathieu Guillou Black Market Flowers
A Season of Doubt Cold Specks Ladan Hussein Neuroplasticity
When I Was Your Age (Acoustic Version) Sharko David Bartholome When I Was Your Age (Acoustic Version) – Single
Colour My Heart Charlotte OC Charlotte O’Connor & Tim Anderson Colour My Heart – EP
Big Jet Plane Sweem Angus Stone & Julia Stone Un matin d’hiver – EP
Starwood Choker Bing & Ruth David Moore No Home of the Mind
Monnaie de singe IAM Akhenaton Rêvolution
One Hundred Days Mark Lanegan Bubblegum
Pure Comedy Father John Misty Josh Tillman Pure Comedy
The Arc The Arcs Yours, Dreamily,
Party Girl Michelle Gurevich Party Girl
A Heartbreak Angus & Julia Stone Angus Stone & Julia Stone Angus & Julia Stone (Deluxe Edition)
Pot Kettle Black Tilly and the Wall Whip It (Music from the Motion Picture)
Lola Izia Antoine Toustou, Sebastien Hoog & Izïa Higelin Izia
Hector Cold Specks Al Spx I Predict a Graceful Expulsion
Glass Eyes Radiohead A Moon Shaped Pool
Daydreaming Radiohead A Moon Shaped Pool
Twice Little Dragon Best Of
My One and Only Thrill Melody Gardot Melody Gardot My One and Only Thrill
Pure Comedy Father John Misty Josh Tillman Pure Comedy
Over & Over Moloko Statues
Ayo Bibi Tanga & Le Professeur Inlassable Yellow Gauze
The Camp PJ Harvey & Ramy Essam The Camp – Single
Suddenly Jeanne Added Jeanne Added Be Sensational
A Taste of Honey Piers Faccini & Luca Aquino Ric Marlow & Robert William Scott Autour de Chet
Yalla Tnam Nada (feat. Golshifteh Farahani) Bachar Mar-Khalifé Traditional Ya Balad
Tick Tick Boom The Hives Die Welle (Original Soundtrack)
The Ministry of Defence PJ Harvey Polly Jean Harvey The Hope Six Demolition Project
Fratres Arvo Pärt Arvo Pärt Mother Night (Original Motion Picture Soundtrack)
Sex (I’m A) [feat. Mike Patton, Jennifer Charles, Kid Koala & Dan the Automator] Nathaniel Merriweather Nathaniel Merriweather Presents…Lovage: Music to Make Love to Your Old Lady By (feat. Mike Patton, Jennifer Charles, Kid Koala & Dan the Automator)
Come Down Anderson .Paak Malibu
The Promise You Made Cock Robin Peter Kingsbery The Very Best of Cock Robin
Forest Fire Lloyd Cole & Lloyd Cole & The Commotions Lloyd Cole Lloyd Cole and the Commotions: The Collection
Serpents Sharon Van Etten Tramp
The Sense of Me Mud Flow Mud Flow A Life On Standby

Il faut qu’on parle

Ce repas n’a l’air de rien. Il n’y a pas eu d’annonce, pas de prétexte, pas de programme. Jute un rendez-vous. On s’est retrouvés ainsi, et on débute avec des banalités autour du menu.

Assez vite, il me raconte comment il imagine l’avenir. C’est son avenir mais il me le raconte, à moi. C’est son avenir, celui qu’il imagine, mais c’est l’avenir qu’il imagine pour nous, car il y a une place pour moi dans ce futur. J’essaie de m’y projeter. J’essaie de comprendre ce futur. J’essaie de visualiser ma place, dans ce futur là, à mesure qu’il le met en mots, de jauger si ça me semble solide.

J’essaie de faire cette projection mais dans le fond, mon espoir est mince. Je me sens déjà un peu las de ces paroles. J’ai le sentiment qu’elles arrivent peut-être un peu trop tard, mais, surtout, j’ai déjà entendu tout ça, ou presque. Je l’entends me dire des choses que je ne savais pas, me donner des informations nouvelles ; les paroles sont nouvelles, et pourtant c’est une musique que j’ai déjà entendue.
Je l’entends parler de nous en ayant cette sensation de m’en sentir déjà pratiquement étranger. Je me sens coupable. Je ne voudrais pas avoir déjà fait le deuil de notre relation avant de l’avoir entendu, jusqu’au bout. Avant d’avoir pris le temps d’y réfléchir. Avant de lui avoir donné sa chance. Est-ce que j’ai déjà abandonné ? Est-ce que je ne veux plus l’écouter ? Ai-je déjà trop rêvé d’ailleurs que je puisse plus désirer ce qu’il me promet ? Est-ce que cette autre histoire qui m’habite est une façon de me détourner de lui ? Le fruit de mes colères ? Le fruit de mes déceptions ? Je ne le pense vraiment pas. Mais je ne voudrais pas ne pas m’être posé la question. Ne pas avoir interrogé ma capacité à être là, pour lui, pour l’entendre, vraiment.

Je prends le temps. Je mobilise l’énergie pour lui redire les choses. Pour lui redire que je suis mal dans notre histoire depuis trop longtemps. Que chaque jour, depuis plus d’un an au moins, chaque jour est difficile. J’ai déjà dit comment je pensais qu’on pouvait s’y prendre autrement. J’ai déjà dit qu’il allait falloir fonctionner autrement. Que je ne pouvais pas être toujours cantonné aux mêmes tâches, relégué, que j’avais besoin de temps pour moi, de temps pour rêver, et puis aussi pour me tourner vers l’avenir.

Alors je prends ce temps et je mets en oeuvre cette énergie, encore une fois, par respect pour lui, par respect pour nous, et parceque sinon tout ça n’a guère de sens. Je fais cet effort pour remettre les idées en ordre, les exprimer de la façon la plus claire possible.
Il me dit qu’il va réfléchir, qu’on va trouver une solution, une façon de se retrouver.

Je réfléchis depuis plusieurs mois déjà au fait de mettre fin à cette histoire. On a déjà eu l’occasion de parler, j’ai déjà fait passer mes messages, fait comprendre que la situation devenait trop… ou pas assez… Je lui ai déjà offert ces opportunités. Il m’a dit qu’il tenait à moi, que j’avais une place dans cet avenir. Il me l’a déjà dit avant, me le redit maintenant, promet qu’il va imaginer une nouvelle donne.

Et quelque part au fond de moi, une voix me dit qu’elle n’y croit plus. Que je n’y crois plus. Que le temps a déjà suffisamment passé, qu’il faut couper court. Mettre fin à notre histoire. Partir. Pour me reconstruire. Partir pour ne pas crever, d’ennui, ou d’amertume. Partir pour vivre.