Tranchées de vies – Ep. 6 : « Marne »

Ce billet est le 6eme épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

29 septembre 1915

Rapport du lieutenant Mellet commandant provisoirement l’escadron sur les opérations du 29 septembre 1915.
Le 29 vers 5h30 l’escadron au complet était arrivé devant la tranchée des Tantes qui est française, mais flanquée à droite par la tranchée de Lübeck (allemande) et à gauche par celle des Homosexuels (allemande).
L’escadron est lancé à l’attaque par peloton en tirailleurs avec l’ordre de ne pas tirer un coup de fusil. L’objectif est la corne du bois 20 à l’est du bois Chevron. Après avoir parcouru 500 mètres sous un feu violent de mitrailleuses qui le prenait de flanc droit et par derrière (tranchée de Lübeck) l’escadron déjà fort décimé dut se coucher sans aucun abri et resta ainsi sous le feu près de 3 heures lorsque vers la gauche l’infanterie qui avait pris part à l’attaque battit en retraite entrainant les restes de l’escadron jusqu’à la tranchée des Tantes. Le soir vers 5 heures l’ordre était donné de se retirer et de gagner les abris du bois de l’Obus.

Effectif de l’escadron

a) Avant l’attaque
Officiers 4
Sous-officiers 13
Brigadiers et cavaliers 163

b) Après l’attaque
Officiers 1
Sous-officiers 7
Brigadiers et cavaliers 51

Journal des Marches et Opérations du 15eme Régiment de Chasseurs à Cheval – Escadron à pied.

Tranchées de vies – Ep. 5 : « Schrapnel »

Ce billet est le 5eme épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

Tonnerre, le 1er octobre 1914

Chère Georgette, Je vous communique aussitôt reçue ce matin, la carte que nous venons de recevoir d’Albert :

« J’ai écopé une balle de shrapnel qui m’a fait une blessure en séton dans le dos. Rien de grave au point de vue vital. Ne vous tracassez pas. Prévenez Georgette. Ne m’écris plus avant que je t’ai donné mon adresse. Bons baisers à tous. Votre fils qui vous aime. Albert. »

Donc ne vous faites pas de bile, il est à l’abri pour quelques temps et sans danger car une blessure en séton n’est jamais bien grave.
Êtes-vous arrivée sans trop d’ennui, nous n’avons encore rien reçu de vous ?
Ici, rien de nouveau chez nous, mais en face, à l’hôpital, il y a eu 2 décès de soldats en 2 jours, ce matin Odette va au deuil du second.
Au revoir, ma chère enfant, embrassez bien les vôtres pour nous.

Votre futur papa qui vous aime bien.
Eugène L.


Tonnerre, le 2 octobre 1914

Ma chère Georgette,

Si vous voulez écrire à Albert cela lui fera grand plaisir, adressez votre lettre à

M. Albert L., soldat réserviste
Hôpital temporaire n°35
à Saint-Léonard (Haute-Vienne)

Nous avons reçu ce matin une lettre de lui nous disant la nature de sa blessure, qui n’est pas grave mais assez douloureuse. C’est à l’assaut d’une tranchée allemande, qu’une balle d’obus l’a touché au bas de l’omoplate gauche et est ressortie près de la colonne vertébrale, en laissant intacts poumons, coeur et estomac, ce qui pour lui une chance extraordinaire d’après les dires des majors qui l’ont pansé, mais cette blessure quoique peu grave intéresse les muscles ce qui le fatigue beaucoup et le force à vous demander de l’excuser s’il ne vous écrit pas et à moi de vous expliquer la situation en vous priant de lui écrire le plus tôt possible. Je sais que vous êtes une brave enfant, et qu’il peut compter sur votre affection, c’est le moment de la lui prouver, vous n’y manquerez pas j’en suis sûr.
Nous vous embrassons tous bien affectueusement.
Votre futur papa qui vous aime bien.

Eugène L.


Tonnerre, le 22 octobre 1914

Ma chère Georgette,

Vous avez dû recevoir des nouvelles d’Albert, nouvelles détaillées comme il nous en a adressé à nous-même et vous avez pu constater qu’il était en bonne voie de guérison malgré que sa situation ait été bien précaire. Vous voyez donc bien qu’il ne faut pas se forger de folles idées. S’il a une convalescence on s’arrangera pour que vous passiez tous deux quelques jours près de nous.
Chez nous, il y a du nouveau et tout s’est bien passé. Un gros garçon nous est venu ce jour à 2h et demie. Il est fort et bien bâti, il pèse dans les 9 à 10 livres. Vous voilà donc un beau-frère de plus à aimer, mais je sais votre coeur assez large et je suis sûr que votre affection est acquise.
Tout le monde vous embrasse bien affectueusement ainsi que votre maman.
Un bonjour amical à toute votre famille.

Eugène L.

Tranchées de vies – Ep. 4 : « Cormicy, cote 100 »

Ce billet est le 4eme épisode de la série « Tranchées de vie ». Je vous invite à en lire la présentation.

23 septembre 1914

A 6h30, la 138e brigade reçoit l’ordre d’attaquer la cote 100, avec l’appui par l’artillerie divisionnaire mal soutenue par le 254 à droite, et à gauche par la 53e division qui lance sur la cote 91 des forces insuffisantes. Le 267e est balayé par le feu de l’ennemi, que l’artillerie avait mal repéré, son tir étant trop court, et par une batterie située en arrière de la cote 91. Nos tirailleurs regagnent leurs tranchées. Nombreux blessés.
Pendant ce temps Cormicy est intenable sous les projectiles de gros calibre.
Le service médical quitte le cimetière et se porte à la Maison Bleue à 15 heures.
Installation d’un poste de secours dans des conditions défectueuses de proximité de l’ennemi et d’hygiène. Il n’y avait plus d’autre emplacement possible.
Sol boueux et souillé de matière fécales.
On ne peut consommer que l’eau d’un puits suspect. En 36 heures 172 blessés ont été relevés par un personnel diligent qui a fait preuve de beaucoup de courage.
Évacuation en 3 fois dans la nuit par les brancardiers de la 69e division.

Journal des Marches et Opérations du Service de Santé du 267e Régiment d’Infanterie.